UNE BEAUTE ENVAHISSANTE ou l'incroyable destinée de la jacinthe d'eau

JACINTHE D’EAU
Eichhornia crassipes
Pontedariacées

Aujourd’hui je souhaite partager avec vous l’incroyable histoire de la jacinthe d’eau. Ou, comment une plante tranquillement installée dans son biotope, à portée d'eau des mâchoires de son principal prédateur (le doux lamantin), se clone à tour de rhizomes sur les 5 continents et voyage plus vite que l’homme !!!

Tout commence donc dans le bassin de l’Orénoque, fleuve légendaire sud-américain dont les eaux s’écoulent en Colombie et au Venezuela, au nord de l'Amérique du sud. Au milieu d’une abondance végétale et animale, la jacinthe d’eau s’épanouit au sein de la flore locale. Décrite comme une des plus belles plantes aquatiques, la jacinthe flotte sur l’eau du fleuve qu’elle illumine de ses corolles lilas, rose à bleu violacé et de ses feuilles charnues et généreuses d’un vert lumineux. Notre splendeur des Amériques croît de 2 à 5 cm par jour, peut-être la croissance la plus rapide du règne végétal. Sa hampe florale se déploie sur près de 50 centimètres de long où se côtoient 8 à 15 fleurs rassemblées en épi. Impossible de ne pas tomber sous le charme de cette merveille de la nature.

Dans les années 1880, afin de favoriser la fraie des carpes dans un projet d’élevage piscicole et peut-être pour profiter de sa beauté envoutante, la jacinthe est introduite au Mexique par des hommes certainement un peu ignorant des conséquences d’une telle initiative. Hors de son milieu naturel, la plante se reproduit par clonage, le long de sa tige rhizomateuse. D’une unique plante mère 30 filles se développent en 23 jours, 1 200 en quatre mois ! Loin de son environnement de naissance, sans aucun garde fou et prise d’un ennui sans commune mesure, la jacinthe se reproduit sans limite et peuple les cours d’eau, asile imposé, de ses fidèles clones, qui, vous l’aurez deviné, en font de même…

Voilà que le conte si joliment débuté vire tranquillement à la stupéfaction pour aboutir au cauchemar. Quelques décennies après son introduction par l’homme en milieu inapproprié, la jacinthe, de bras en bras, colonise les eaux douces de quelques cours d’eau africains, chinois, indiens, indonésiens, australiens, russes…

Rien n’arrête l’expansion de cette somptueuse fleur d’eau douce. Ses larges feuilles, ou rosettes, opacifient la surface de l’eau. En l’absence de lumière, les plantes voisines s’éteignent en nombre. La biodiversité rompue menace les espèces végétales comme animales. Les feuilles bloquent les générateurs hydro électriques et les hélices des bateaux.

Les populations humaines tributaires des points d’eau envahis par la belle jacinthe voient leurs conditions de vie dégradées par ce fléau vert et violet. Leur santé est en jeu, en effet, quelques vecteurs de maladie, comme le moustique Anopheles propagateur de la malaria sur le lac Victoria – ou lac Ukéroué – en Afrique de l’Est, trouvent refuge dans le feuillage abondant de la belle jacinthe colocataire. De plus, son éradication échoue partout… tant et si bien que les régions sinistrées mettent en place des programmes de contrôle dans les domaines tels que la physique, la chimie, la biologie sans vrais résultats.

Face à l’ampleur du phénomène d’autres programmes se font jour afin de transformer cette nuisance en ressources. Aujourd’hui la jacinthe d’eau est considérée comme « envahissante». L’union européenne l’a inscrite dans la liste des espèces préoccupantes, interdiction de l’importer, de la cultiver, de la commercialiser, de la planter ou de la libérer intentionnellement dans la nature.

Pourquoi évoquer le parcours si particulier de la jacinthe d’eau ? Tout d’abord pour vous inviter à découvrir le livre de Francis HALLE, ATLAS DE BONATIQUE POETIQUE superbement illustré par l’auteur.

Ensuite pour nous permettre de mesurer le rôle de la biodiversité et les conséquences d'actes supposés sans menaces. Voici deux liens pour en savoir plus sur les plantes invasives.

https://www.mnhn.fr/fr/actualites/1-288-milliards-chiffrer-les-degats-causes-par-les-invasions-biologiques-pour-enfin-agir

https://www.tela-botanica.org/2019/11/les-plantes-envahissantes-la-nouvelle-chasse-aux-sorcieres-de-la-science/

Au mois de juin je reviendrai vers vous avec quelques idées de recettes autour des plantes de la Saint-Jean. A bientôt sur HerbamalicE